Créativité, une ressource ?

L’équilibre

Chacun cherche à sa manière son équilibre et réalise au jour le jour des actions, des gestes et prononce des paroles dans le but de le trouver. Mais il arrive, hélas, malgré les belles intentions qui nous animent, que le résultat escompté ne soit pas au rendez-vous. La confusion de l’esprit ou le chaos du discours, n’arrangeant en rien les choses, mais conduisant plutôt à davantage de désordre, de sentiments amers et de violence rentrée, se trouvent le plus souvent désignés comme les premiers responsables. 

Aussi, analyse, remise en question et quête de sens savent de temps à autre nous tendre la main et nous être d’une grande utilité. Elles surgissent parfois de façon inattendue, faisant irruption à l’occasion d’une rencontre ou d’une confrontation d’idées dans notre quotidien, pour nous faire revoir notre copie. Encore faut-il rester ouvert à leur message pour retrouver l’équilibre perdu.

Le sens

Nous sommes tous entrés un jour ou l’autre dans une réflexion sur nos choix : profession, carrière, vie de famille ou son absence, action en vue d’un but, démarches, choix découlant de notre environnement immédiat, etc. Nous leur avons donné un sens, quel qu’il soit fut-il celui de l’absurde. Puis les situations bien connues évoluent, se transforment et l’environnement lui-même change. Notre surprise est à la mesure de notre attachement. Nous ne nous reconnaissons plus dans nos choix précédents auxquels pourtant nous donnions tant de valeur. Pire, nous les combattons parce que nous découvrons leur inutilité ou leur inadéquation. Obsolète ou inadaptée, une attitude ou une action n’a plus son sens. Nous sommes comme rejoints par l’écho des événements de nos vies. Qu’en faisons-nous ? Comment faire face ? Le sursaut est alors essentiel. Un rebondissement quicherchera à neutraliser nos regrets pour nous ouvrir à de nouvelles perspectives. Pour cela, un peu de paix plutôt que l’inquiétude nous soutiendra. Car la paix, à l’extérieur comme à l’intérieur, libère la créativité.

Ressource

Comment se sentir sans ressource ou seul quand on a un rêve en tête à réaliser ? La vie coule en chaque instant et renouvelle ses magies. Par instants, gronde le tonnerre de nos habitudes qui nous courbe l’échine et obscurcit notre vision. La créativité s’en trouve affectée. Les vieux démons ressurgissent et pâlit toute inventivité. A d’autres moments plus ensoleillés, nous entrouvrons un œil sur ce qui est présent et osons nous élancer à la conquête de l’instant, soudain chaud comme l’été. 

Surtout, la créativité n’est autre qu’un développement du potentiel présent en chacun, loin des modes qui nous tiennent en leurs griffes. Il s’agit en effet de nous propulser vers une vie de haute exigence envers soi-même. Celle-ci commence par lutter contre certaines habitudes, puis continue par cultiver écoute, compréhension, partage et don de soi. Comme l’exprime le philosophe François Jullien : « La pure habitude ne peut plus tenir lieu de savoir ». Seul garant de notre progrès en cette vie : l’élan du cœur aimant associé à une remise en question de nos habitudes.

Une véritable ressource passe par un temps de jachère, une période dite creuse ou nommée par certains traversée du désert. L’être y relâche ses liens habituels. Il prend de la distance avec ses attachements et les schémas de pensée communément admis. Il se nourrit alors pleinement d’observation et de contemplation de son environnement quel qu’il soit, en de réelles retrouvailles avec soi-même.

Le chemin qui mène à une fécondité intérieure où l’être devient sa propre ressource, en toute autonomie, pouvant s’appuyer sur ses ressorts exclusifs, rebondissant tel un gymnaste entraîné, consiste à s’abreuver sans retenue à sa propre fontaine intérieure. Autant de clins d’œil, riches d’inventivité que chacun peut vivre avec lui-même en associant autrement les idées, en développant son imaginaire, s’ouvrant au côté ludique du réel, en un accueil sans détours de ce qui est là sous nos yeux. Une approche de ce que l’on pourrait appeler la créativité dans l’instant présent. Car celui-ci recèle un véritable pouvoir, celui d’être là, toujours à portée de nos sens. Aussi, une notable capacité à produire des images et des idées originales grâce à l’imagination s’entraîne peu à peu.

De plus, lorsque la tranquillité d’esprit est atteinte, se dégagent des idées neuves. Don du ciel, nos pensées trouvent leur expression dans une relecture du tangible. Prendre sa part de créativité dans l’existence consiste à chercher les dynamismes sur lesquels rejaillir.

Vous prenez votre vie en main par la recherche de dénouements. Cela passe par de la créativité, notamment celle de mettre l’insolite et l’inédit en avant. S’inventer des stratégies pour laisser éclore non-conformisme, regain de caractère ou élan pionnier. Laisser les innovations corporelles ou respiratoires se frayer un chemin. Se forger des allants novateurs dans l’attitude ou la réflexion.

Etape incontournable, le détachement. Celui-ci consiste en une distance qui est salutaire à la créativité. Le bonheur se trouve lorsqu’on s’arrête un instant, là où nous le voyons !

Miroir

En fin de compte, n’est-il pas inutile de rappeler que nous nous trouvons au cœur de la création et que celle-ci regorge de nouveautés perpétuelles à qui veut bien les observer ? En somme, avec un peu de lâcher-prise, ne pouvons-nous pas nous laisser être « miroir », celui des richesses de ce monde ?

« Dieu a créé l’homme comme une merveilleuse pierre précieuse, dans laquelle se mire toute la création.» [Hildegarde Von Bingen]

  
L’alchimie de chaque regard est une poésie complexe mais unique ; une invitation singulière à vivre l’expérience consubstantielle de la relation à l’autre ; ayons la créativité en partage ; l’innovation d’aimer nous donne rendez-vous ! Pourquoi sommes-nous contraints si souvent de nous répéter, de nous secourir ou de nous défendre ? Parce que la vigilance créatrice nous a manqué ; celle qui conduit hors du jugement et libère. Si l’inventivité prévaut avant toute autre considération, nous comprendrons que le but de la vie est dans l’instant lui-même et nous cesserons de tergiverser.

La créativité devient une ressource lorsqu’elle lutte de façon implacable contre la lâcheté, l’égoïsme et l’indifférence. Car seule la bonté mène à la joie et n’est libre vraiment que celui qui apprend à aimer !

Malek Daouk, décembre 2007

Article paru dans le Recto-Verseau de février 2008